Dans l’exercice quotidien de mes fonctions, je suis amené à partager la perspective cruciale des directions d’établissements sur les défis majeurs qui secouent notre réseau éducatif. Il ne s’agit plus de problèmes isolés, mais d’une crise systémique manifeste, englobant les ruptures de services, le financement inadéquat, l’augmentation de la violence envers le personnel, la démission des employés et les incohérences du système à trois vitesses. Ces enjeux complexes n’appellent pas de solutions simplistes. Il est grand temps de prendre le recul nécessaire pour repenser l’éducation en profondeur, face à une société transformée et à des jeunes dont les besoins sont immenses.
Cet exercice fondamental s’appelle les États généraux.
Historiquement, notre système d’éducation québécois a fonctionné par cycles de réformes. Nous avons eu la Commission Parent en 1960 qui a établi les bases. Les réflexions de la fin des années 70 ont mené aux guides bleus et à la réorganisation ministérielle en 1980. Enfin, les États généraux de 1995-1996 ont mené à une réforme dont les idées n’étaient pas mauvaises, mais dont le déploiement fut un échec retentissant. Pourquoi cet échec ? Parce que l’éducation a été pensée « dans une tour » au lieu de partir du terrain.
Aujourd’hui, nous vivons la plus longue période sans cette consultation majeure, soit près de 30 ans.
Pendant ces trois décennies, notre société a connu des chambardements d’une ampleur inédite ayant un impact direct et majeur sur nos élèves : l’avènement des réseaux sociaux, l’émergence de l’intelligence artificielle, les préoccupations environnementales, la transformation des familles éclatées, l’explosion des problèmes de santé mentale, et les défis liés à la sécurité alimentaire et à l’emploi.
Face à ces bouleversements, l’école est devenue le réceptacle de toutes les urgences. Elle est devenue tour à tour le CLSC, la salle communautaire et la solution à tous les maux, tout en s’efforçant désespérément de maintenir le cap sur la réussite scolaire dans un environnement sécuritaire et stimulant.
Le système craque de toutes parts.
Il vient un moment où le mécanicien ne peut plus réparer une voiture, il doit conseiller d’en acheter une neuve. Nous sommes à ce point.
Les directions et directions adjointes veulent faire partie de la solution. Pour y arriver, nous devons impérativement lancer un réel chantier en profondeur, appuyé sur des pratiques probantes et qui doit absolument partir de ce qui se fait sur le terrain.
Ce processus doit être dénué de toute partisanerie politique. Ce n’est pas l’affaire d’un seul parti au pouvoir, mais la préoccupation d’une société entière qui assiste à la fissuration de ce qu’elle a de plus important. Les Québécois ne peuvent plus accepter d’entendre que l’éducation est une priorité si les décisions politiques, notamment les coupures du printemps, ne vont pas dans ce sens.
Nous sommes prêts à travailler. Il est temps que le gouvernement reconnaisse l’urgence, non pas pour panser une plaie, mais pour reconstruire une fondation solide.
Nos élèves changent et c’est au système de s’adapter. Lançons les États généraux maintenant.
Francis Côté, Président de la FQDE